Depuis l’extérieur, il n’est pas forcément facile de comprendre la nature de l’opération d’Herzog & de Meuron sur cet ancien moulin à céréales construit en 1860. Et d’admettre que c’est peut-être la meilleure preuve de réussite de ce projet d’extension du MKM Museum Küppersmühle, qui se confond parfaitement avec l’existant.
Un duo iconique aux commandes
En 1999, à la demande de la Fondation pour l’art et la culture (Stiftung für Kunst und Kultur e.V.), l’agence d’architecture suisse était déjà intervenue sur cet imposant bâtiment de brique pour le transformer en musée d’art. Non sans d’ailleurs suggérer quelques points de croisement (même matériau, même activité, même discrétion…), toutes proportions gardées, avec le projet de la Tate Modern, à Londres, livré un an plus tard.
À Duisbourg, il s’agissait avant tout de remanier les espaces intérieurs du complexe industriel pour y implanter des salles d’exposition et, bien évidemment, de rendre viable l’accès au bâtiment par un large public. Dans le même temps, le MKM devenait la première pierre angulaire de la transformation de cette zone portuaire historique – gérée par l’agence d’architecture Foster & Partners. Aujourd’hui, l’activité industrielle a été totalement abandonnée au profit d’une dynamique tournée vers la culture et le tertiaire, à deux pas du centre-ville.
Quelque vingt ans plus tard, l’agence Herzog & de Meuron a donc été de nouveau sollicitée, mais cette fois-ci par la collection Ströher, désormais propriétaire du bâtiment et pilote du projet muséal, pour agrandir de manière substantielle les surfaces d’exposition. Autrement dit les doubler pour atteindre 5 000 m2 répartis entre 36 salles.
La collection Ströher figure en Allemagne parmi les plus importants collectionneurs d’art de l’après-guerre. Forte de plus de 2 000 œuvres représentatives de la scène germanique du demi-siècle écoulé, elle comporte un grand nombre de peintures (de Josef Albers, Jörg Immendorff, Markus Lüpertz, Anselm Kiefer, Sigmar Polke, Gerhard Richter, Rosemarie Trockel…). Mais elle s’autorise des croisements avec la sculpture (Georg Baselitz) ou la photographie (Bernd et Hilla Becher, Anna et Bernhard Blume…), comme en témoigne la récente exposition temporaire consacrée à Andreas Gursky.
Des accrochages monographiques
L’extension imaginée par Herzog & de Meuron vient en quelque sorte prendre en étau les silos en acier – seule partie métallique du complexe –, qui se trouvaient jusqu’alors à l’extrémité est du site. Elle consiste en trois modules en brique identiques à ceux du bâtiment originel, de hauteurs légèrement différentes (27,5 m ; 30,5 m et 33,5 m), mais qui s’ajustent parfaitement les uns aux autres. En prêtant attention, on remarque d’ailleurs que les briques ne sont pas agencées de façon identique à l’existant.
À l’intérieur, le séquençage des espaces s’appuie sur la même neutralité de type white cube, préconisée en 1999 par l’agence, avec des accrochages monographiques. Au dernier étage, une salle au volume monumental se voit dotée d’un plafond en shed (toiture en dents de scie à versants de tailles différentes, le plus court étant généralement vitré, NDLR), clin d’œil à l’architecture industrielle d’autrefois, d’où émane la lumière. Pour réussir la jonction entre l’ancienne et la nouvelle partie, les silos ont été totalement évidés. Ils s’imposent désormais tel un lieu de transition s’élevant sur une trentaine de mètres et traversé sur deux niveaux par des passerelles. Pour circuler entre les étages, les architectes ont également imaginé un escalier sculptural dont la silhouette s’élève en suivant le dessin d’une spirale triangulaire, qui rompt avec la rectitude des salles d’exposition.
Herzog & de Meuron rythment ainsi le parcours d’une série de sas visuellement et physiquement impactants. Ces lieux sont alors à même d’engendrer des moments durant lesquels le visiteur peut reprendre conscience du contexte dans lequel il se trouve, et tisser, s’il le souhaite, des liens entre ces histoires qui lui sont donné à voir.
> MKM Museum Küppersmühle. Philosophenweg 55, Duisbourg, Allemagne. Museum-kueppersmuehle.de